Le Millésime 2025

La morosité était de mise à la fin de ce printemps 2025. Toujours ce terrible déficit hydrique qui plombait l'atmosphère et les esprits. Heureusement la pousse de l'herbe et les maladies cryptogamiques, dues à nos indélicats champignons parasites, mildiou et oïdium, n'étaient pas là pour contrarier nos vignes poussives. En juin une canicule précoce avait calmé leurs ardeurs. L’été s’était prématurément installé lorsque survint un événement aussi rare qu’inespéré.

 

Le 12 juillet, un long orage d’une journée s'est abattu sur le Roussillon. La pluie était fine et continue, idéale pour que l'eau pénètre dans le sol sans ruisseler. Je n'en croyais pas mes yeux, 90 millimètres en 24h. D'habitude les orages d'été interviennent en fin d'après-midi ou en soirée quand l'atmosphère se rafraîchi sous le soleil déclinant. Ces précipitations sont courtes et violentes, parfois malheureusement accompagnées de grêle. Là ce fut un bonheur de pluie. A ce moment-là, ma première pensée alla vers mes souches les plus faibles, celles qui avaient survécu à trois années de sécheresse. Cette eau providentielle allait les sauver d’une issue fatale.

 

Les effets visibles ne furent pas immédiats : les rameaux ne reprirent leur pousse qu'un mois plus tard, mais mes raisins surent profiter de cet apport hydrique pour grossir un petit peu, juste avant la véraison. Certes, ce ne fût pas l’abondance et le rendement moyen du domaine atteignit péniblement 14 hl/ha à la vendange. C'est infiniment peu mais toujours mieux que les 10hl/ha que nous avions enregistrés les deux années précédentes. J'explique cette faible production par la concurrence du couvert herbeux qui, profitant de cette manne providentielle, priva mes ceps d'une partie de cet apport d’eau. Être en bio est une exigence vertueuse, mais elle impose de pouvoir intervenir rapidement pour contenir les adventices et, plus encore, prévenir les attaques de mildiou. J’ai privilégié la lutte contre ce parasite et je ne le regrette pas : la qualité des raisins fut optimale. Mais ce faisant, j’ai malheureusement dû délaisser les labours d’été car mon temps libre fut rare, et voici pourquoi.

 

En 2023-2024 mon voisin et ami Hervé Bizeul, à la tête du Domaine Le Clos de Fées, lassé de voir ses précieux raisins convoités par des hordes de sangliers, avait décidé de clôturer de grillage l'ensemble de ses parcelles. Ces nocturnes fêtards à quatre pattes sont alors venus prendre l'apéro dans mes vignes pourtant protégées par des clôtures électriques. Résultat : les vendanges 2024 dans le secteur de Génégals furent expédiées en moins d'une journée. Une misère. À l’issue de ces vendanges calamiteuses, la décision s’imposa : il fallait à mon tour clôturer durablement ces vignes cernées par la garrigue et ses habitants assoiffés. Avec l’aide précieuse de Dominique et Hafid, nous avons installé près de 2 500 mètres de grillage. Deux mois d’un travail harassant, mais non vain : cette année, j’ai enfin pu récolter à nouveau ces magnifiques grappes qui entrent dans la composition de la plupart de mes cuvées de rouge.

 

Alors que dire de ce millésime ? Au-delà de l'aspect purement comptable du rendement misérable que j'ai évoqué plus haut, les raisins étaient sains. Dans mes conditions de culture en bio, en présence d’un tapis d’herbes rases qui concurrence la vigne, la maturation est plus lente que dans le cas d'une culture conventionnelle où les sols désherbés sont nus. Mais ce qui pourrait être considéré comme un handicap s'avère plutôt positif sous notre climat méditerranéen. Les vendanges se sont déroulées dans de bonnes conditions. Elles furent longues, du 22 août au 27 septembre car, à plusieurs reprises, j'ai dû faire patienter mes vendangeurs deux ou trois jours afin que mes raisins atteignent l'équilibre optimal tant recherché. Comme l'an passé, mes cuvées en blanc et en rouge présentent une belle fraîcheur et les tanins de mes vins rouges sont très soyeux. Ces derniers sont plus élégants.

Il me tarde de voir grandir ces nouveaux nés et j'ai hâte de vous les faire découvrir.

Je vous souhaite de douces fêtes de fin d'année, verre en main bien sûr.

 

A la bonne vôtre.

Alain